10e Journée républicaine à Huesca
Le jeudi 14 avril 2016, j’ai participé au rassemblement républicain de Huesca, capitale du Haut-Aragon (Province d’ Aragon au Nord de l’Espagne), dans le cadre des Xe Journées Républicaines organisées par le « Circulo Republicano Manolin Abad de Huesca » et qui se sont déroulées, pour la plupart à la Diputación provincial de Huesca, du 11 au 15 avril 2016.
Le site http://republicahuesca.blogspot.com/ illustre très bien ces journées, avec des textes, des photos et des vidéos. Il donne aussi une bonne idée de l’activité dynamique du CRMAH ainsi que des autres Ateneos ou Cercles Républicains du Haut-Aragon, notamment par le biais de la Revue « El Ideal Republicano » (cf numéro d’avril 2016).
Ce jour-là, vers 19 h, quelques dizaines de personnes sont regroupées Place de Navarre, à Huesca, sur les marches du Casino, au centre de la ville : habitants de Huesca et des environs, représentants des Cercles Républicains du Haut-Aragon, de Bielsa, Binefar, Barbastro, Castellón, Monzón mais aussi d’associations mémorielles du Sud de la France, notamment du Centre Toulousain de Documentation de l’Exil Espagnol. Plusieurs générations se côtoient : républicains, fils et filles de républicains, petit-fils et petites- filles de républicains. Il y a des jeunes, des étudiants. Parmi ceux-ci figure Anélie Prudor, doctorante en Anthropologie Sociale et Historique à l’Université de Toulouse (projet de thèse : « Entrepreneurs de mémoire et producteurs d’Histoire. Les enjeux des commémorations croisées de la guerre d’Espagne entre Aragon et sud-ouest français »), retenue comme figure emblématique de la 3ème République par le CRMAH.
C’est sur la Place de Navarre que nous faisons connaissance avec Martin Arnal Mur et sa sœur Josefina , originaires du village d’Angües : l’après-midi même, au Cimetière des Martyrs, à Huesca, une plaque commémorative a été découverte en mémoire de leurs deux frères fusillés par les fascistes en 1936 et 1937 ainsi que 27 autres habitants du village.
Martin Arnal Mur a écrit sa biographie dans « Memorias de un anarquista de Angües en la República, la Revolución y la Guerilla », en 2007, avec l’historien Raul Mateo Otal : www.neofato.es/arnal. Un résumé de son histoire, en français, se trouve aussi dans « Los de la Sierra : dictionnaire des guérilleros et résistants anti-franquistes » (losdelasierra.info). Martin avait 16 ans au moment de son engagement républicain et Josefina 5 ans quand elle a traversé les Pyrénées, à pied, en janvier, dans la neige, avec sa mère.
19 h 30 : Les « Gaïteros de Tierra Plana » accompagnent le rassemblement puis Carlos Escartin, Président du CRMAH, qui dirige la cérémonie, prend la parole :
« Cela fait maintenant 85 ans, une multitude citoyenne envahissait les rues, avec la joie de ceux qui se savent maîtres de leur destin, pour proclamer la Seconde République et laver l’Espagne de la politique criminelle dérivée du régime des Bourbons qui avait amené tant de misère à ce pays » .Puis il continue : « Aujourd’hui, un groupe d’hommes et de femmes libres se rassemblent sur la Place du Casino pour se reconnaître et se proclamer « conspirateurs prêtant serment d’en finir avec le régime monarchique hérité de la période récente et jamais surpassée d’obscurantisme fasciste, commencé avec le soulèvement militaire contre la République du Front Populaire. Aujourd’hui, 14 avril 2016, nous sommes ici présents sur cette place pour faire écho à la volonté de milliers de citoyens de la Huesca libre, de manière solennelle, par intérim, oui ! et dans l’attente d’une autre action de finalité semblable mais plus institutionnelle, Nous venons proclamer la troisième République !! »
Les acclamations explosent et il est grisant d’être au milieu des drapeaux républicains espagnols qui s’agitent !
Escartin continue son intervention : « Nous tous ici présents devons garder cette date gravée dans notre mémoire. Pour que, dans quelque temps et quand la Troisième République sera une réalité consolidée, et quand nos descendants nous demanderont comment nous avons pu supporter autant de temps un système monarchique corrompu et assassin, nous puissions les regarder dans les yeux et leur répondre que jamais nous n’avons reculé, que nous avons toujours été irréductibles, que nous avons gardé les braises ardentes du feu de la justice qui incendia toute l’Espagne. « La troisième république Espagnole est proclamée !! » conclut l’orateur.
Les acclamations explosent à nouveau et les drapeaux tricolores s’agitent de nouveau. C’est un discours fort qui provoque beaucoup d’émotion dans l’assemblée. Au son des tambours et des gaïtas, la grande banderole aux couleurs de la république nous accompagne jusqu’aux portes de la Deputación Provincial de Huesca.
20H Nous assistons à la projection du film documentaire « Compañeras » de Dominique Gautier et Jean Ortiz dans la salle de conférence : ce film qui rend hommage au rôle fondamental des femmes dans la République, dans la guerre d’Espagne, puis dans la lutte antifranquiste est remarquable et est très apprécié et très applaudi par le public.
« Compañeras » de Dominique Gautier et Jean Ortiz : Pendant 10 ans, les auteurs ont interviewé, rencontré et suivi des dizaines de femmes courage, des mères, épouses, filles, en première ligne ou à l’arrière du front, miliciennes, combattantes, guerilleras, agents de liaison ; les témoignages de ces femmes anarchistes, communistes, socialistes sont forts et poignants et se terminent par celui des femmes de la troisième génération, plein d’espoir.
La soirée se termine au restaurant « Esperanza », où nous sommes chaleureusement invités par Carlos Escartin à partager la « Cena de la Hermandad Republicana » (le repas de l’Amicale Républicaine), soirée riche de rencontres et de partage avec nos voisins de table, Martin et Josefina Arnal et d’autres ; à côté de moi, Josefina, me parle de sa vie, de son histoire et de son présent et me fait tellement penser à ces femmes de « Compañeras », passionnée, généreuse, toujours engagée et tellement vivante…
La soirée est très joyeuse et ponctuée régulièrement par les « Viva la República ! »
Comme cadeau, les différents responsables de cercles républicains reçoivent le poème écrit par Mariano Calvo sur le Capitaine Fermin Galan, fusillé le 14 décembre 1930 pour avoir participé au soulèvement de Jaca.
A la fin du repas, nous assistons à un extrait improvisé de la représentation théâtrale « Fermin Galan », un texte de 1931 adapté par Luis Felipe Alegre et qui sera joué le lendemain dans le salon de la Deputación Provincial, en clôture des journées républicaines : les acteurs en sont les membres du CRMAH, qui ont travaillé dur depuis quelques semaines !
L’assemblée se donne rendez-vous à la même date du 14 Avril, en 2017.
Marie Le Bihan