Parcours de la famille Hidalgo Sanz, embarquée sur le S S Stanmore 2 le 04/09/1937 depuis Ribadesella (Asturias) et revenue à Gijón par le train parti de Quimper le 03/07/1939
En septembre, octobre 1937, le dernier bastion républicain du front nord cantabrique (Avilés, Gijón, Ribadesella et autres villes de la Principauté de Asturias) résiste encore à l’attaque des insurgés de Franco, de ses acolytes nazis allemands et fascistes italiens avec le grand appui de l’Église espagnole. Mais les bombardements quotidiens sur ces villes font de nombreuses victimes et beaucoup de blessés. La chute des villes asturiennes est imminente (Gijón tombe le 21 octobre 1937). Il faut donc, essayer, coûte que coûte, de sauver sa peau et tenter d’embarquer sur des navires marchands britanniques ou français, des chalutiers espagnols et gagner les côtes françaises de l’Atlantique malgré le blocus imposé par Franco.
La famille HIDALGO SANZ de GIJÓN fait partie de la population civile qui réussit à quitter cette terre asturienne meurtrie et ensanglantée par les combats. Il s’agit de femmes, enfants, vieillards, blessés et des «inutiles de guerre». Elle se compose de 10 personnes :
- MANUELA SANZ, 48 ans, responsable de cette famille.
- MARÍA HIDALGO SANZ, 24 ans, fille de Manuela.
- FLORENTINA HIDALGO SANZ, 19 ans, fille de Manuela.
- MANOLITA HIDALGO SANZ, 14 ans, fille de Manuela.
- MARIANO HIDALGO SANZ, 11 ans, fils de Manuela.
- CARMEN HIDALGO SANZ, 7 ans, fille de Manuela.
- FLORENTINO HIDALGO SANZ, 4 ans, fils de Manuela.
- LUISA BLANCO, 13 ans, belle sœur de Florentina.
- LUIS BLANCO HIDALGO, 2 ans, fils de Florentina.
- ELENA VILLAR HIDALGO, 1 an, fille de María.
Ces 10 passagers vont monter à bord du navire marchand britannique SS Stanmore 2 le 4 septembre 1937 dans le port de Ribadesella, situé à l’est de la province de Asturias, et prennent la direction du port français de La Pallice (Charente-Inférieure). La famille HIDALGO SANZ est enregistrée sur cette liste (passeports 656, 657 et 658).
Le SS Stanmore 2, construit en 1920 au Royaume-Uni, immatriculé à London, a un tonnage de 3,222. Il a appartenu à de nombreux propriétaires et a donc porté divers noms : WAR RIVER, ASIER, MAMBIKA, en 1937, STANMORE, toujours en 1937, il est cédé à la Compagnie France Navigation et prend le nom de GUILVINEC. Pour l’histoire, ce bateau a été torpillé et coulé par le sous-marin britannique HMS TIGRIS le 19/02/1941 dans les eaux françaises de l’Atlantique dans la zone de Saint-Nazaire-Hourtin (Trajet Nantes-Oran).
Le 4 septembre 1937, au départ de Ribadesella, le SS Stanmore 2 est sous les ordres du capitaine (capitán) C. DENIS et a à son bord 34 hommes d’équipage (tripulantes). Sur ce navire, vont s’entasser environ 4450 personnes originaires de la province de Santander, Asturias (Gijón, Ribadesella, Langreo, Sevares) et Euzkadi. Silvia Ribelles de la Vega parle, elle, de 5000 réfugiés dans son livre publié en 2008 «La Marina Real Británica y la Guerra Civil en Asturias (1936-1939)», tout comme le quotidien «L’Écho d’Alger» du 7 septembre 1937.
Ce navire marchand n’est pas préparé pour recevoir tant de passagers et divers problèmes surgissent durant le voyage. 3 femmes accouchent au cours de la traversée et 2 des bébés décèdent dès la naissance. Le SS Stanmore 2 arrive à La Pallice le 6 septembre 1937. Les passagers sont pris en charge par les autorités préfectorales de la Charente-Inférieure qui organisent le rapatriement par trains ou plus exactement le refoulement forcé de tous ces réfugiés vers l’Espagne républicaine (Cataluña et Levante). Les membres de la famille HIDALGO SANZ, ainsi que tous les autres passagers du SS Stanmore, ne vont donc pas débarquer à La Pallice le 6 septembre 1937 mais vont rester sur le cargo. Seuls seront transférés à terre et par ambulance les mères de famille qui ont accouché lors de la traversée ainsi que le nouveau-né qui a survécu et vraisemblablement quelques blessés.
C’est le 7 septembre 1937 qu’est organisé leur transfert par trains (100 wagons) depuis la gare Saint-Jean de Bordeaux en direction de Latour-de-Carol et Puigcerdà (province de Gerona) en Cataluña.
C’est donc en Cataluña que vont alors vivre Manuela SANZ et toute sa famille alors que se poursuit la Guerre d’Espagne (1936/1939) car Franco continue sa progression pour anéantir les combattants républicains et leur famille.
Durant ce séjour, la famille HIDALGO SANZ va connaître un drame terrible. María, une des filles de Manuela, décède en terre catalane, laissant la petite Elena sans maman (Information transmise par Ángeles de Gijón, la sobrina (nièce) de María).
Le 26 janvier 1939, c’est la capitale catalane Barcelona qui tombe entre les griffes du dictateur. Ceci provoque la fuite vers la frontière française d’environ 500 000 civils et militaires (dont près de 250 000 combattants républicains), fuite massive entrée dans l’Histoire sous le nom de Retirada. Les civils pourront passer en France à partir de la nuit du 27 au 28 janvier 1939, après de nombreuses tergiversations du gouvernement français ; les combattants républicains, quant à eux, pourront y entrer à partir du 5 février 1939. Quelques jours plus tard, le 13 février 1939, la frontière sera fermée.
Sitôt entrés en France, les civils de la Retirada vont être très rapidement éloignés de la frontière et dispersés par train dans de nombreux départements. Le train dans lequel montent Manuela et sa famille va prendre la direction de la Bretagne et s’arrêter à Quimper d’où ils seront transférés à la colonie de vacances de Poulgoazec en Plouhinec, près d’Audierne dans le Finistère. Manuela et les siens vont y rester jusqu’au 3 juillet 1939, date à laquelle toute la famille va rentrer en Espagne. Elle fait partie du 7ème convoi ferroviaire partant du Finistère en direction de l’Espagne, convoi de 260 Espagnols quittant la gare de Quimper en direction de Hendaye et Irún.
Manuela y su familia regresaron a Gijón, la tierra natal, después de esa increíble odisea.
Le 27 avril 2019, une journée «Souvenir des réfugiés de la Guerre d’Espagne à Plouhinec» a eu lieu, avec l’apposition d’une plaque sur le mur de la colonie de vacances de Poulgoazec, où ces réfugiés de la Guerre d’Espagne ont été hébergés en 1937 et 1939. Des descendants de Manuela Sanz étaient venus spécialement de Gijón pour assister à cet hommage.
Voir le lien suivant :
Quelques photos de cette journée-souvenir prises pas notre amie et reporter de MERE 29, Marie Le Bihan :
Sources:
The Ships List ; Capitanía del puerto de Ribadesella (investigación José Luis Seoane Moro de Oviedo) ; Archives Départementales de la Charente-Maritime ; L’ÉCHO d’ALGER ; Archives Départementales du Finistère ; El libro de SILVIA RIBELLES DE LA VEGA : La Marina Real Británica y la guerra civil en Asturias (1936-1937).
Claudine Allende Santa Cruz de l’association MERE 29 de Brest
Le 29 mars 2021