El silencio se combate. 85 ans après, un très émouvant hommage à des victimes du franquisme à Huesca
Le dimanche 6 février 2022, a été rendu à 26 victimes du franquisme un très émouvant hommage à Huesca (province d’Aragon). Ces personnes, toutes originaires du village de Angüés près de Huesca, ont été fusillées entre le 3 et le 19 janvier 1937 par les franquistes pour leur appartenance à la CNT, sans jugement ni sentence et sommairement enterrées dans des fosses communes. Le plus jeune avait 19 ans, le plus âgé 55.
Ce dimanche, a été donnée au cimetière de Huesca une sépulture officielle à ces victimes. 26 petits cercueils, portant chacun les restes d’une personne assassinée, ont été placés dans un caveau près d’un monolithe portant 26 perforations et les noms et prénoms de ces victimes; plusieurs cercueils ne portent pas de noms car les ossements n’ont pas pu être identifiés… Toutes les familles ont donné leur accord pour que les 30 boîtes soient rassemblées dans un même caveau scellé. La cérémonie s’est déroulée en présence des familles mais aussi de nombreux officiels des municipalités de Huesca et de Angüés et d’un représentant du gouvernement, Monsieur Diego Blázquez Martín, Directeur général de la Mémoire démocratique.
Cet émouvant hommage n’a été possible que grâce à la persévérance sans faille de plusieurs associations aragonaises dont ARICO, Asociación por la Recuperación e Investigación Contra el Olvido, et CRMAH, Círculo Republicano «Manolín Abad» de Huesca.
Cette cérémonie a aussi permis de rendre un hommage appuyé à Martín Arnal Mur, fervent défenseur de l’anarcho-syndicalisme et combattant anti-franquiste, référent historique de l’anarcho-syndicalisme en Aragon, qui fut le premier à demander l’ouverture de ces fosses communes. Les circonstances ont hélas fait que Martín n’a pu participer à cette cérémonie: “Il est décédé il y a quelques mois à près de 100 ans, explique Javier Ruiz, archéologue et vice-président de l’ARICO. Il nous a accompagnés dans tout le processus d’exhumation. Il connaissait toutes les victimes, il souhaitait les retrouver pour que toutes puissent être enterrées dignement et, de l’avoir à côté de nous, pendant que nous ouvrions les fosses, nous parlant des victimes, était impressionnant. C’est dommage qu’il ait manqué la cérémonie d’aujourd’hui.”
Román, un des frères de Martín, se trouvait dans une des fosses qui ont été exhumées grâce à une subvention de la Diputación de Huesca. Son frère aîné José Emilio a été exécuté le 23 août 1936 ainsi que 138 personnes de Huesca dont Concha Monrás, compagne de Ramón Acín; il reste encore à découvrir le lieu de son inhumation.
Présentes à cette cérémonie, sa fille Juana et sa petite-fille Camila sont intervenues pour dire publiquement toute leur émotion, Camila évoquant aussi le lourd tribut payé par les femmes de Angüés à partir de mars 1938. Accompagnée de sa fille Cathy, de son fils Thierry et de son petit-fils Luc, Josefina Arnal Mur était également présente à cette cérémonie, c’est la “petite dernière” et aujourd’hui la seule survivante de la fratrie de Martín; leurs parents José et Clementa ont eu 10 enfants entre 1910 et 1934: José Emilio, Román, Elena, Patrocinio, María, Martín, Martina, Gregoria, Francisco et Josefina.
Le temps du deuil peut enfin commencer pour ces familles…”avec le sentiment fort d’avoir pu enfin rendre à ces militants leur identité, leur honneur, de montrer leur courage sans faille dans la lutte pour la liberté et de les faire exister face au monde pour toujours” souligne Cathy…85 años después, el silencio se combate.
Marie Le Bihan et Jean Sala Pala, Mere-29
Artículo en EL PAÍS del 07/02/2022 :
Photos de Martín et Josefina Arnal, rencontrés aux Jornadas republicanas de Huesca (14/04/2016)
Photos de Martín et Josefina Arnal Mur aux Jornadas republicanas Huesca (14/04/2019)