Andrés HERRANZ MARTÍN déporté au camp de concentration nazi de MAUTHAUSEN en Autriche, matricule 4007 qui a appartenu au kommando POSCHACHER

Lors des échanges de vœux pour l’année 2025 entre MERE 29 et les AFMD 29, Madame la présidente des Amis de la Fondation de la Mémoire de la Déportation du Finistère nous a fait part d’une demande de recherches concernant un déporté républicain espagnol se nommant André HERRANZ. Certes, il n’est pas passé par le Finistère, mais a peut-être de la famille dans le coin de Plougasnou. Madame la présidente nous précise à ce sujet : «J’ai fait de multiples recherches et désespérément, je ne trouve rien» sur André HERRANZ.
C’est dans l’extraordinaire et très intéressant livre «Le photographe de Mauthausen. L’histoire de Francisco Boix et des photos dérobées aux SS» de Benito Bermejo Sánchez traduit en français par Ángeles Muñoz en 2017 que j’ai trouvé la photographie de Andrés HERRANZ MARTÍN.
Comme il est précisé en page 4 de couverture, ce recueil est un «Témoignage unique au monde sur le camp d’extermination nazi de Mauthausen : des centaines de photos nous montrent, de l’intérieur, toute la cruauté du système concentrationnaire nazi. Ces images furent prises par les SS eux-mêmes lorsque le camp était en pleine activité, comme tant d’autres détruites par les nazis au moment de leur défaite. Comment celles-ci ont-elles pu être sauvées ? Grâce à Francisco Boix, un jeune homme à l’esprit vif, courageux et doté d’un fort caractère. Prisonnier à Mauthausen, employé au laboratoire photographique, il parvint, avec l’aide de ses compagnons, à les soustraire et à les cacher pendant des années.»
Benito Bermejo originaire de la magnifique ville de Salamanca, professeur d’histoire, historien de grand renom est en Espagne un des spécialistes de l’étude des «Deportados a los campos nazis (1940-1945)» et en particulier ceux qui ont connu le camp de concentration nazi de Mauthausen en Autriche.

En fait, ce déporté se nomme Andrés HERRANZ MARTÍN. Il est né le 10 novembre 1922 à Navalmoral de la Sierra, un petit village de la province de ÁVILA appartenant auparavant à la région de Castilla la Vieja et aujourd’hui à la Comunidad Autónoma de Castilla y León. Andrés est le fils de Segundo HERRANZ et de Francisca MARTÍN comme l’indique son acte de naissance établi par le « Registro civil del Ayuntamiento –Mairie– de Navalmoral de la Sierra ». Andrés est né suivant son certificat de naissance dans la Calle de la Costanilla (Rue de la Costanilla) qui aujourd’hui, en 2025, est un des 10 quartiers qui existent à Navalmoral de la Sierra. En 2025 et depuis 2023 le maire (el alcalde) se nomme Juan Lorenzo HERRANZ EXPÓSITO et est étiqueté au PP (Partido Popular, plus que bien situé à droite). En 1922, Andrés n’a que 13 ans quand le coup d’État du 18 juillet 1936 des généraux rebelles Franco, Sanjurjo, Mola et les autres … s’abat sur la République espagnole légalement installée par les urnes. Certes, à cet âge, il n’a pas pu prendre les armes pour défendre sa patrie, ni sa terre de la province de ÁVILA car, en plus, cette région de la Vieille Castille a été rapidement occupée par les troupes franquistes. Ce putsch, en partie raté, va entraîner l’Espagne dans une terrible guerre civile qui va se terminer le 1 avril 1939. Il est fort possible qu’Andrés soit parti vers une zone toujours sous contrôle républicain comme Madrid, Cataluña ou Levante. Mais Franco, aidé par les soldats nazis de Hitler, ceux fascistes de Mussolini, les portugais du dictateur Salazar et l’aide d’une grande partie de l’Église d’Espagne, continue son avancée sanguinaire et va conquérir petit à petit les régions de la Catalogne. Barcelona, la capitale catalane tombe le 26 janvier 1939 et c’est la RETIRADA en direction de la frontière française sous les bombes franquistes, nazies et fascistes. La France, devant cet afflux de tant de républicains espagnols – 450 000 à 500 000 civils et militaires- tergiverse mais va finir par ouvrir la frontière le 28 janvier 1939 et elle va être fermée le 13 février 1939. Les civils (femmes, enfants, vieillards, «inutiles de guerre») passent en premier et le reste de l’armée républicaine en dernier.
- En ce qui concerne notre protagoniste Andrés, qui n’a que 16 ans en fin janvier 1939, il va être considéré comme un jeune «pouvant porter les armes». Il va donc faire partie des combattants de l’armée républicaine et être interné à une date inconnue dans le camp de «concentration» d’Argelès-sur-Mer comme l’indique sa nièce Victoria HERRANZ venue en février 2019 avec un photo de son oncle Andrés pour assister à l’hommage rendu à Argelès par Pedro SÁNCHEZ, président du gouvernement espagnol, à tous ces républicains espagnols obligés de quitter leur patrie et se réfugier en France. Combien de temps est-il resté en ce sinistre lieu où le désespoir, l’ennui règnent, où la nourriture et les baraques manquent et où la maladie et la mort font partie du quotidien ? Nous ne le savons pas exactement mais Victoria, sa nièce précise à RFI (Radio France Internationale) qu’il y serait resté deux ans mais aucun document d’archives ne permet de l’affirmer.
- Les quelques documents ou informations rencontrés vont permettre de retracer en partie son parcours en France puis dans le camp de concentration nazi de Mauthausen en Autriche et son retour en France après la libération du camp le 5 mai 1945.
Après le camp d’Argelès-sur-Mer dans les Pyrénées-Orientales, on retrouve peut-être Andrés comme Travailleur Étranger interné au Frontstalag 140 à Belfort (Fort Harty) comme l’indique «La liste de Prisonniers Français numéro 34 du 21 octobre 1940 (Bibliothèque Nationale de France -BNF-/Gallica)».

Quant à Benito Bermejo et Sandra Checa dans le «LIBRO MEMORIAL. ESPAÑOLES DEPORTADOS A LOS CAMPOS NAZIS (1940-1945)», ils notent que Andrés a été arrêté par le RSHA ou Reichssicherheitshauptamt (Office central de la sûreté du Reich) et qu’il a été fait prisonnier au Fronstalag 141 à Vesoul en Haute-Saône sous le numéro 7943 mais à une date non communiquée. Andrés va quitter le 6 août 1941 le Frontstalag 141 et va intégrer un convoi de wagons à bestiaux à destination du camp de Mauthausen où il arrive le 8 août 1941 et reçoit le numéro 4007 comme inscrit sur la veste qu’il porte sur la photo.
Andrés qui, hier encore, se nommait Andrés HERRANZ MARTÍN est à partir de ce 8 août 1941 le numéro 4007 et ne sera connu que sous ce matricule jusqu’à la libération du camp le 5 mai 1945.

Dans ce camp de Mauthausen encore surnommé le «Camp des Espagnols» ont été internés plus de 7 000 républicains espagnols et où, environ 5 000 ont perdu la vie. Les premiers venus de France sont arrivés le 20 août 1940 par un convoi ferroviaire de réfugiés civils et militaires de tous âges encore appelé «Le convoi des 927» provenant du Camp des Alliers situé à Angoulême. Dans ce train, se trouvent des femmes (mères de famille), des enfants, des hommes (pères de famille) et des personnes âgées. À l’arrivée à Mauthausen, les SS vont faire le tri et ne garder que les hommes et les jeunes gens à partir de 13, 14 ans. Toutes les autres personnes vont être refoulées dans le train qui va prendre la direction de la France puis de l’Espagne franquiste à destination de Irún. Ceux qui restent à Mauthausen sont ces pères de famille, ces jeunes gens de 13, 14 ans et plus que va côtoyer en particulier notre protagoniste Andrés et peut-être connaître avec eux tous ce que signifie de travailler dans un univers concentrationnaire et gravir les 186 marches de ce tristement célèbre escalier de la mort de la carrière de Mauthausen en portant sur leur dos de gros blocs de granit jusqu’à l’épuisement ou la mort pour certains.
Puis les mois passent dans cet univers de désolation où la mort est quotidienne. Ensuite, au cours des premiers mois de l’année 1942 Andrés et 41 jeunes espagnols vont faire partie de la liste du Kommando POSCHACHER. La majorité de ces jeunes gens, souvent surnommés «Los Pochacas», proviennent du Camp des Alliers d’Angoulême et vont se rendre chaque jour, depuis la baraque 11 du camp central, à la carrière d’Anton Poschacher se trouvant dans le village de Mauthausen. Les conditions semblent, en ce lieu, plus favorables en ce qui concerne l’alimentation et le régime de travail. Ils portent des vêtements civils mais afin qu’ils ne cherchent pas à s’évader deux bandes rouges ont été peintes sur leur chemise et sur leur cuir chevelu apparaît une tonsure. Andrés, en ce lieu, semble avoir un emploi de mécanicien (mechaniker).
À partir du 11 octobre 1944, comme l’indique Benito Bermejo dans son livre, Andrés et ses camarades du Kommando POSCHACHER vont bénéficier d’un régime de semi-liberté et possiblement travailler dans des petites entreprises ou des fermes des environs de Mauthausen mais ne vont retrouver le camp central qu’à la libération de celui-ci le 5 mai 1945.
C’est au cours de cette période de 1945 que certains négatifs des photos prises par les SS ont été récupérés à la demande, entre autre, du «fotógrafo de Mauthausen» Francisco BOIX CAMPO employé au laboratoire photographique (Erkennungsdienst) du camp de Mauthausen et de ses compagnons. Quelques membres du Kommando POSCHACHER ont réussi à les faire sortir du camp central et les mettre en lieu sûr dans un mur du jardin de la maison d’une autrichienne antinazie nommée Anna POINTNER. Un certain nombre de ces clichés ont servi de preuves au Procès de Nuremberg en 1946 et à Dachau.
À la libération du camp de Mauthausen qui a eu lieu le 5 mai 1945 Andrés, comme ses camarades déportés espagnols, a dû attendre le 19 mai 1945 pour revenir en France qui, elle, a accepté de les recevoir. En effet, ces républicains espagnols ne pouvaient plus rejoindre leur patrie car le dictateur Franco n’en voulait pas de ces «Rotspanier» (Espagnols rouges). Andrés va rejoindre Paris et l’hôtel Lutetia pour enregistrer son retour et passer diverses visites médicales. Ensuite, suivant sa Carte de Déporté politique établie le 3 juillet 1955, il est domicilié 15, rue Weber à Saint-Étienne du Rouvray en Seine-Maritime. Cette photo ressemble beaucoup à celle se trouvant dans le livre de Benito Bermejo publié en 2017.

À une date inconnue Andrés change de région et on le retrouve à Céret dans les Pyrénées-Orientales quand il reçoit sa Carte du Combattant le 26 avril 1983.

Andrés HERRANZ MARTÍN, déporté politique à Mauthausen, est décédé le 16 août 1986, Avenue du Languedoc à l’hôpital civil de Perpignan. Il était retraité du bâtiment, domicilié 10 rue de Nogarède à Céret et était l’époux de Jacqueline Fernande MENAUTON. Andrés avait 63 ans.
Vifs remerciements à Madame la présidente de l’AFMD 29 pour sa demande de renseignements et pour avoir transmis la Carte de Déporté Politique et la Carte du Combattant de Andrés HERRANZ MARTÍN. Ces documents ont permis de vérifier et compléter le parcours de Andrés qui mérite d’être connu de tous et surtout de le mettre en lumière afin qu’il ne reste pas dans l’ombre.
Grand merci à Luis Garrido de m’avoir aidée à obtenir l’acte de naissance de Andrés HERRANZ MARTÍN.
Recherches et rédaction de l’article : Claudine Allende Santa Cruz de MERE 29
le 14 avril 2025