MERE 29 et les élèves du Lycée Jules Verne de Guingamp à la Prison de Guingamp le 3 avril 2024

Le 3 avril 2024, Marine, la professeure de français et ses élèves m’ont gentiment demandé de les accompagner à la prison de Guingamp pour la visite du lieu où ont été hébergés, en 1937 et en 1939, les réfugiés espagnols fuyant la Guerre d”Espagne 1936-1939.

Une étudiante nous a présenté succinctement les lieux et l’histoire de cet univers carcéral. Elle va aussi donner quelques informations sur la présence et la vie des réfugiés espagnols de 1937 et 1939 dans ce lieu rénové, que nous visitons aujourd’hui, qui était bien différent dans les années 1937 et 1939.

 

La prison de Guingamp est construite par le département des Côtes-du-Nord à partir de 1836. Elle ressemble à la prison de Philadelphie dite « penssylvanienne » . Elle va ouvrir en 1841 et fermer en 1934.

En 1937 et en 1939, ses portes vont s’ouvrir à nouveau pour héberger des réfugiés espagnols fuyant les bombes et les combats de la Guerre d’Espagne 1936/1939. À l’été 1937, vont arriver, ceux qui proviennent du FRENTE NORTE (environ 81 personnes : des femmes, des enfants) et en fin janvier 1939 ceux qui vont franchir  les Pyrénées lors de la RETIRADA (environ 175 personnes: des femmes, des enfants, des vieillards).

ARRIVÉE des réfugiés espagnols en 1937. A D 22. H P 132 C

Beaucoup de ces réfugiés espagnols de 1937 et de 1939 vont regagner l’Espagne en guerre en fin 1937 pour le convoi arrivé en 1937 et l’Espagne franquiste au cours ou en fin d’année 1939 pour le convoi arrivé en 1939. Certains, ne pouvant retourner en Espagne, par peur de représailles, vont rester en France, en Bretagne ou dans le sud-ouest de l’Hexagone.

À l’occasion de la Fête nationale du 14 juillet 1939 , les 140 réfugiés espagnols présents à la prison de Pors-Anquen vont transmettre un discours de remerciements à Monsieur le Maire de la Ville de Guingamp pour l’accueil reçu dans cette ville bretonne.

Puis, en fin d’année 1939, les réfugiés espagnols se trouvant toujours hébergés à Guingamp, mais certainement dans le bâtiment ou les baraquements du Juvenat à partir de la déclaration de guerre de septembre 1939, vont composer un poème qu’ils vont adresser à Monsieur le Maire de la Ville de Guingamp :

Traduction proposée du poème :

À Monsieur le Maire de la Ville de Guingamp

À l’occasion de cette fête si mémorable

que nous ne pourrons jamais oublier

nous vous souhaitons cher Monsieur

une bonne année pleine de prospérité

à vous et votre chère famille

qui avez tant fait pour nous

et jamais nous n’oublierons

votre noble et généreux cœur.

C’est la Ville de Guingamp

si belle et si charitable

qui a su nous montrer

sa grande générosité

en nous offrant l’hospitalité.

Vous avez un cœur en or

et une âme pleine de bonté

et nous tous les réfugiés

nous vous aimons vraiment

et toujours nous nous souviendrons

de votre grande générosité.

Nous ne pouvons pas non plus oublier

notre Déléguée

qui est une dame de grande vertu

et de grande qualité

accomplissant sa mission

comme une mère bien-aimée.

Cette déléguée est, je pense, la dame qui a écrit le poème à Monsieur le Maire de Guingamp et se nomme, peut-être, Madame Felicitas PÉREZ de ARRILUCEA CIORDIA [25/05/1905 Vitoria (ÁLAVA) – 04/08/1997 Bayonne et domiciliée à Biarritz], épouse de Juan Luis SOBIER POITH [04/12/1904 San Sebastián (GUIPÚZCOA)].

Madame SOBIER et sa fille María Luisa sont arrivées à Guingamp après la RETIRADA en fin janvier 1939. Le couple SOBIER, les deux filles María Luisa [29/03/1935 Fuenterrabía (GUIPÚZCOA) – 14/03/2015 Rueil-Malmaison]  et Alice [03/06/1939 Pabu], ont vécu pendant de longues années à Guingamp. Madame SOBIER a obtenu un poste de professeure d’espagnol au lycée Auguste Pavie de Guingamp à partir du 01/12/1943. C’est dans ce lycée que j’ai (Claudine) connu Madame SOBIER comme professeure d’espagnol dans les années 1960.

Monsieur Juan SOBIER et Madame Felicitas SOBIER ont demandé d’avoir la nationalité française par ce magnifique courrier du 18 février 1957 auprès de la Préfecture  de Saint-Brieuc .

Mais cette belle lettre si bien écrite par Juan et Felicitas et toute l’aide qu’ils ont apportée tous les deux aux réfugiés espagnols arrivés en terre guingampaise en 1939, n’ont pas réussi à leur apporter  la nationalité française qui ne leur a pas été accordée par la République française. La raison est simple mais difficile à accepter : Juan et Felicitas SOBIER étaient des « Espagnols rouges ». Juste une petite réflexion : mon père Fernando a connu Mr et Mme SOBIER du Partido Comunista de España (PCE).

Et pour terminer cette visite à la prison avec les lycéens et Marine leur professeure, les élèves ont tourné une vidéo qu’ils vont présenter au concours auquel la classe a été inscrite.

MERE 29 et des élèves du lycée Jules Verne de Guingamp à la prison de Guingamp le 03/04/2024. Claudine et quelques lycéens.
Photo Marine

Après l’occupation de ce lieu par les réfugiés espagnols en 1937 et 1939, la prison va être réouverte en 1941 au cours de la Seconde Guerre mondiale.

De nombreux résistants, que mon père Fernando et notre famille ont connus car faisant partie de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes), vont y être internés. Nous avons rencontré ces déportés ou internés résistants lors des congrès de cette association qui se déroulaient chaque année dans une ville différente du département 22.

Il s’agit, entre autres, de :

  • Maurice LETONTURIER de Plédran, déporté résistant à Auschwitz et Buchenwald. Maurice, ce grand passeur de la mémoire de la déportation, qui toute sa vie a œuvré auprès des lycéens de la région de Saint-Brieuc en les accompagnant dans le camp d’extermination de Auschwitz. Maurice qui, lors des obsèques de mon père Fernando en 1995 au cimetière de Plouaret, a composé et lu l’hommage qu’il voulait lui rendre.
  • Denise LE FLOHIC déportée résistante à Ravensbrück et Oranienburg-Sachsenhausen.
  • Charles GEFFROY de Callac qui, pour nous, se nommait Charlot, interné résistant.
  • Georges OLLITRAULT qui pour tous était Jojo OLLITRAULT, interné résistant.

Puis en 1952, la prison va être désaffectée avant d’être vendue à l’État.

En 1992, la ville de Guingamp en devient propriétaire et de nombreux travaux très couteux vont y être entrepris pour sa réhabilitation.

Aujourd’hui, c’est un centre culturel et artistique qui abrite le Centre d’Art Gwinzegal depuis 2018 et l’Institut national supérieur de l’Éducation artistique et culturelle (INSEAC) depuis 2021.

Vifs remerciements à Marine et aux sympathiques lycéens de Jules Verne à Guingamp.

Claudine Allende Santa Cruz
Le 23 avril 2024

Ce dimanche 28 avril 2024, j’ai reçu un message de notre ami Claudio Rodríguez Fer me précisant qu’il est intervenu au Lycée Jules Verne de Guingamp en janvier 2006.

Claudio Rodríguez Fer au Lycée Jules Verne de Guingamp en janvier 2006.

Pour les lycéens d’aujourd’hui de Jules Verne qui ne le connaissent peut-être pas:

  • Claudio, né à Lugo en Galice, est poète, narrateur, dramaturge et essayiste.
  • Il a été, en autre, professeur invité à l’Université de Haute-Bretagne à Rennes ainsi qu’à l’Université de Bretagne-Sud à Lorient.
  • Il enseigne actuellement à l’Université de Santiago de Compostela.
  • Il est Président de l’Association pour la dignité des victimes du fascisme en Galice (Asociación para a Dignificación das Vítimas do Fascismo).
  • Il est Président d’Honneur de l’Association MERE 29 de Brest (Mémoire de l’Exil Républicain Espagnol dans le Finistère).

Muchísimas gracias Claudio por esta información tan interesante.