Retour sur les Journées Manuel Azaña (Montauban, 6-9 novembre 2024)
Du 7 au 9 novembre 2024, à l’initiative de notre amie Geneviève Dreyfus-Armand, une délégation de Bretagne (Claudine Allende Santa Cruz, Iván López Cabello, Pierre Souchar et Hugues Vigouroux) s’est rendue à Montauban pour participer à la 19e édition des Journées Manuel Azaña organisée par nos amis de l’association montalbanaise « Présence de Manuel Azaña ». Au delà de la qualité des exposés des intervenants, ces journées furent marquées par un accueil chaleureux et amical de nos amis du sud de la France qu’ils fussent du public ou de l’équipe organisatrice.
Nous n’avons pas pu assister à l’hommage consacré à Antonio Machado, le mercredi 6 novembre à l’Espace des Augustins à Montauban.
EXPOSITION « ROTSPANIER » : jeudi 7 novembre 2024, Ancien Collège de Montauban. Vernissage
Nous sommes arrivés à Montauban le jeudi 7 novembre pour assister au vernissage de l’exposition « Rotspanier » de nos amis Peter Gaida et Antonio Muñoz Sánchez. Cette exposition, que nous connaissons bien a été installée dans l’Ancien Collège de Montauban. Après les prises de paroles officielles, dont celle de Bruno Vargas, nouveau président de l’association « Présence de Manuel Azaña » qui a souligné l’œuvre de son prédécesseur, Jean-Pierre Amalric, historien et ancien président de l’association depuis 2006 ; Peter Gaida excusant l’absence regrettée de Manuel Dorronsoro, ancien président de l’association bordelaise « Ay Carmela » (association ayant porté l’exposition « Rotspanier ») présenta l’exposition devant un public nombreux et intéressé.
COLLOQUE : vendredi 8 novembre 2024, ancien Collège de Montauban
C’est dans ce même lieu, à l’Ancien Collège, magnifique bâtisse historique reconvertie en centre culturel que s’est déroulé ce vendredi 8 novembre le colloque: « Le travail forcé des républicains espagnols dans l’Europe des années 1939-1945 ». Deux grandes salles de conférence équipées d’un système de traduction simultanée en espagnol-français, ont accueilli un public nombreux ayant dans leur rang des élèves du Lycée Clément Marot de Cahors et des étudiants de l’Université Jean-François Champollion d’Albi.
Avant de présenter la teneur de ces rencontres et de l’importance des questions mémorielles dans une Europe actuelle en proie au questionnement démocratique, Bruno Vargas a rappelé à l’assistance que malheureusement la réalité a rattrapé nos échanges avec le terrible drame qui est venu endeuiller la province de Valence. Il a adressé à ce propos à Fernando Martínez López, secrétaire d’État à la Mémoire démocratique du gouvernement espagnol, toute notre profonde sympathie, notre solidarité et notre fraternité en ces moments de grande tristesse. Une minute de silence a été observée à la mémoire des victimes de cette tragédie.
Fernando Martínez López, secrétaire d’État mais aussi historien, universitaire, professeur d’histoire contemporaine, grand spécialiste du mouvement républicain a succédé à Bruno Vargas. Après ces remerciements pour ce message de sympathie, il s’est félicité du thème abordé pour ces journées soulignant que le thème du travail forcé des républicains espagnols en Europe est une question très peu traitée, que « l’esclavage de milliers de compatriotes dans les camps de concentration franquistes, le travail forcé au sein des Groupes de Travailleurs Étrangers (GTE) en France et dans les territoires d’Afrique du Nord, la construction de la ligne TODT et des bases sous-marines allemandes, la déportation vers les camps de la mort nazis, sont autant de thèmes majeurs et peu connus de notre histoire. »
Par ailleurs, la maire de Montauban, Marie-Claude Berly s’est félicitée de ce devoir d’histoire et de mémoire porté par ces journées. Elle rappela au passage les liens importants qui unissent Montauban et l’Espagne avec le jumelage de Montauban avec la ville de Alcalá de Henares dans la province de Madrid depuis 2022, ville natale de Manuel Azaña. Michel Weill, président du Conseil départemental de Tarn-et-Garonne a conclu ce temps de paroles officielles.
Il revenait à Geneviève Dreyfus-Armand d’introduire la question du colloque par un exposé détaillé du contexte historique général de l’arrivée des combattants de l’armée républicaine en France en 1939 à la suite de la Retirada, des différentes politiques d’accueil mises en place par le gouvernement français et la France de Vichy jusqu’à leurs livraisons à l’Occupant nazi.
A la suite de Geneviève Dreyfus-Armand, Grégory Tuban, historien (sa Thèse « Camps d’étrangers, le contrôle des réfugiés venus d’Espagne (1939-1944) » a été publiée en 2018 aux éditions du Nouveau Monde), responsable scientifique du Mémorial du camp de Rivesaltes, depuis 2023, est revenu en détail sur l’internement des républicains espagnols dans les camps du Sud de la France. Il a intitulé son exposé : « Des CTE aux GTE : utilisation de la main d’œuvre des réfugiés espagnols en France (1939-1945) ».
Après une pause, la parole a été donnée à Juan Carlos García Funes, né à Segovia (Castilla y León), docteur en histoire de la Universidad Pública de Navarra ou Université Publique de Navarre. Rappelons que sa thèse « Espacios de castigo y trabajo forzado del sistema concentracionario franquista » ou « Espaces de punition et de travail forcé du système concentrationnaire franquiste » a obtenu le Prix Extraordinaire de Doctorat en Sciences Humaines et Sociales en 2022. Enseignant-chercheur à l’UNPA ou Université Publique de Navarre, il nous a exposé « Le travail forcé des républicains espagnols sous le franquisme ». Son intervention très intéressante a bénéficié de l’assistance de la traduction simultanée, permettant ainsi aux non hispanophones d’en saisir le contenu.
La suite des exposés nous a ramenés en France. Peter Gaida, que nous ne présentons plus, proposa à la nombreuse assistance un exposé des plus complets sur les « Espagnols rouges » dans l’Organisation Todt. Peter a présenté ainsi le système de travail forcé nazi organisé autour de l’Organisation Todt à travers l’Europe occupée. Le cas des chantiers des bases sous-marines et du Mur de l’Atlantique, que nous connaissons bien fût largement évoqué dans son exposé.
Les exposés se sont terminés par celui de Benito Bermejo, originaire de Salamanca (Castilla y León), historien, professeur d’histoire. Benito Bermejo est un chercheur espagnol, spécialiste de l’étude des déportés espagnols des camps de concentration nazis et est l’auteur avec Sandra Checa du « Libro Memorial. Españoles deportados a los campos nazis (1940-1945) (Ministerio de Cultura, 2006). Dans cet ouvrage sont répertoriés les parcours de plus de 8 700 espagnols internés dans les camps nazis. Benito s’est particulièrement intéressé au camp de Mauthausen, au Kommando annexe de Gusen et au personnage de Francisco Boix, « El fotógrafo de Mauthausen » ou « Le photographe de Mauthausen ». Son exposé : Les « Rotspanier » » internés au camp de Mauthausen (1940-1945) est revenu sur l’ensemble de ses recherches et en particulier sur Nicasio Santisteban et ses deux fils Manuel et Ramiro originaires de Laredo (Santander), tous trois internés à Mauthausen et revenus de cet enfer nazi.
La Table ronde : la délégation brestoise à la tribune
Après un temps de questions et d’échanges, notre délégation a été invitée à prendre la parole. L’action brestoise, fruit d’une collaboration étroite entre l’Université de Bretagne Occidentale et notre association a été aimablement soulignée par les propos introductifs de Geneviève Dreyfus-Armand.
Cette collaboration nourrie avec l’UBO fût le cœur de l’intervention de Iván López Cabello. Iván insista sur la tenue du dernier colloque organisé à Brest en 2022 « Républicains.e.s espagnol.e.s exilé.e.s pendant la Seconde Guerre mondiale: Travail forcé et résistances. Rotspanier 80 ans après » ainsi que sur la parution au printemps 2024 du n°15-16 de la revue du CERMI (Centre d’Études et de Recherches sur les Migrations Ibériques): « Le travail forcé des Républicains espagnols pendant la Seconde Guerre mondiale », un numéro auquel plusieurs intervenants présents au colloque de Brest et à celui de Montauban ont participé.
Suivirent à la tribune Hugues Vigouroux, qui s’employa à revenir sur notre activité associative depuis sa création ainsi qu’à une présentation particulière de l’histoire des « Rotspanier » à Brest durant l’Occupation. Claudine Allende Santa Cruz poursuivit ce panorama historique par une présentation détaillée de quelques parcours de ces « Rotspanier » brestois dont Lucas, son père et de ses camarades du réseau de Résistance Los deportistas. Il revenait à Pierre Souchar de conclure notre intervention en présentant projets et réalisations audiovisuels liés au recueil de témoignages.
Hommage à Manuel Azaña, samedi 9 novembre 2024,Cimetière urbain, Montauban
Après un chaleureux dîner dans un restaurant au centre de la cité historique de Montauban et une bonne nuit de sommeil, nous avons été conviés, le samedi matin, à l’hommage adressé à Manuel Azaña, dernier Président de la Seconde République espagnole. Nous nous sommes rendus près de sa tombe au cimetière urbain de Montauban où Don Manuel Azaña Díaz-Gallo repose car décédé le 03/11/1940 à l’hôtel du Midi, aujourd’hui hôtel Mercure, où il était domicilié. Notre délégation s’est enrichie entre-temps par la présence de notre ami Antonio, Antonio Martínez Quirce, adhérent des plus fidèles de MERE 29 et sans doute le plus finistérien de nos amis du sud de la Loire. Sous un temps pluvieux digne de nos contrées finistériennes, nous avons assisté aux dépôts de gerbes et aux recueillements des autorités civiles et des associations. Cet hommage a été rythmé par la lecture de François-Henri Soulié, romancier et dramaturge et a été accompagné par la section musique du Collège Olympe de Gouges de Montauban. Sous la direction de Jérôme Abadie, leur professeur, les élèves proposèrent une composition musicale originale sur le poème de Louis Aragon « La rose et le réséda » de 1943, une ode à la liberté et à la fraternité par-delà tous les dogmes.
Un autre recueillement a eu lieu sous cette même pluie diluvienne, dans ce même cimetière, sur la tombe du Docteur Gómez-Pallete qui avait suivi Don Manuel Azaña en exil et qui est décédé quelques temps avant Manuel. Deux membres proches de la famille du médecin étaient présents: Paz de Torre Gómez-Pallete, sa petite-fille et son neveu Felipe Gómez-Pallete.
Ce sentiment fraternel très fortement ressenti, à cette occasion, au cours des hommages au cimetière urbain trouva tout son sens lors du banquet républicain organisé pour le déjeuner de ce samedi 9 novembre.
Banquet républicain, samedi 9 novembre 2024, Hôtel Kyriad, Montauban
Le déjeuner du samedi fût un regroupement chaleureux et fraternel. Entre morceaux de musique et chants républicains, nous avons pu échanger avec plusieurs personnes étonnées, surprises, intéressées par notre présence et l’histoire de ces « républicains espagnols » du nord de la Loire. L’occasion pour nous de nouer des contacts et de participer à ce moment fort convivial.
Visite du camp de Septfonds et du cimetière espagnol, samedi 9 novembre 2024
Après un copieux déjeuner, nous avons été invités à une visite du camp de Septfonds, camp de sinistre mémoire où furent internés près de 17 000 Espagnols. Geneviève Dreyfus-Armand, présidente du Conseil scientifique de la Maison des Mémoires de Septfonds, La Mounière et auteure ou co-auteure de nombreux ouvrages et en particulier de : « Septfonds 1939-1944 – Dans l’archipel des camps français » (Ed. Le Revenant, Perpignan, 2019) a guidé cette visite fort émouvante.
Pour aller plus loin :
Présence de Manuel Azaña : https://www.associationpresencedemanuelazana.com/
Maison des Mémoires de Septfonds, la Mounière : https://www.septfonds-la-mouniere.com/
En marge…