Alejandro FINISTERRE, poète galicien anarchiste, est l’inventeur du FUTBOLÍN en 1937 pour les enfants victimes de la guerre d’Espagne 1936-1939

Alejandro Finisterre y el FutbolínAlejandro CAMPOS RAMÍREZ, plus connu sous le pseudonyme de Alejandro Finisterre, naît le 6 mai 1919 dans le petit port galicien de Fisterra (en castillan Finisterre) dans la province de A Coruña sur « A Costa da Morte »  (La Costa de la Muerte).

Cabo Fisterra (A Coruña)
Cabo Fisterra (A Coruña)

Fisterra, c’est la dernière étape du « Camino de Santiago de Compostela », ensuite c’est l’immensité de l’océan atlantique qu’Alejandro va traverser quelques années plus tard.

À 5 ans, il quitte Fisterra pour A Coruña, la capitale de la province du même nom. Puis à 15 ans, son père l’envoie à Madrid, afin qu’il puisse continuer ses études car il rêve de devenir architecte. Mais des problèmes dans l’entreprise où travaille son père vont le contraindre d’arrêter ses études. Pour survivre et rester dans la capitale, il va faire des petits boulots comme correcteur de copies dans une école, aide-maçon puis apprenti dans une imprimerie. C’est à Madrid, à l’hôtel Florida, qu’Alejandro, très intéressé par la poésie, fait la connaissance du grand poète républicain espagnol León Felipe qui, en 1938, va partir en exil au Mexique.   

Mais le 18 juillet 1936, Alejandro, comme beaucoup de républicains espagnols, assiste au coup d’État des généraux félons Franco, Mola, Sanjurjo et leurs acolytes qui veulent abattre la République légale espagnole en place. En novembre 1936, les bombardements nazis et fascistes font rage sur Madrid et le quartier où il habite est touché. Alejandro reste coincé sous les décombres mais réussit à sortir vivant bien que très gravement blessé à la jambe, puisqu’il boitera toute sa vie. 

 Il est transporté en zone républicaine, tout d’abord à Valencia, puis à l’hôpital improvisé de Montserrat (province de Barcelona)  dans l’hôtel Colonia Puig. Il reste certainement plusieurs mois en ce lieu qui soigne les blessés de guerre du camp républicain et, en particulier, de nombreux enfants blessés ou mutilés.

Edificio bombardeado en La Latina, Madrid
Edificio bombardeado en La Latina, Madrid
Ancien hôtel Colonia Puig à Montserrat
Ancien hôtel Colonia Puig à Montserrat

C’est en fin d’année 1936, suite à tous ces événements tragiques et en voyant tous ces jeunes garçons blessés ou invalides qui ne peuvent, comme lui, jouer au ballon avec les autres enfants qu’il a pensé: « ¡ Si existe el tenis de mesa, también puede existir el fútbol de mesa ! » (S’il existe le tennis de table, pourquoi pas le football de table !).

C’est ainsi que naît, comme Alejandro le nomme, « EL FUTBOLÍN », encore appelé EL METEGOL (Argentina), EL TACA-TACA (Chile), EL FUTILLO (Guatemala), EL FUTBOLITO (México et Uruguay)… Alejandro se procure des barres de fer, du bois pour la « mesa » et les « muñecos » et du liège aggloméré catalan pour la « pelota ». C’est un charpentier basque,  comme lui blessé, Francisco Javier Altuna qui va construire ce FUTBOLÍN et sculpter les figurines en bois qui représentent les footballeurs mais avec les jambes séparées, contrairement au Baby-Foot où les joueurs ont les jambes jointes. Une autre petite différence existe concernant la disposition des joueurs et surtout des attaquants qui sont plus nombreux dans le FUTBOLÍN.

Alejandro Finisterre y su Futbolín
Alejandro Finisterre y su Futbolín
Antiguo Futbolín
Antiguo futbolín

En janvier 1937, Alejandro réussit à faire breveter son invention à Barcelona, mais « EL FUTBOLÍN » ne peut être fabriqué dans les usines espagnoles de jouets. En effet, cause de guerre oblige, ces établissements produisent des « jouets qui tuent » et donc, des armes et des munitions.

Les joueurs du Futbolín espagnol
Les joueurs du futbolín espagnol

En plus du FUTBOLÍN, Alejandro est aussi le créateur du « PASAHOJAS de PARTITURAS ACCIONADO CON EL PIE » (mécanisme qui permet de tourner les feuilles des partitions musicales à l’aide d’une pédale), qui va aussi être breveté mais non fabriqué. Il a à son actif une cinquantaine d’inventions.

Pendant qu’Alejandro est toujours en convalescence à Montserrat, l’armée franquiste aidée par les nazis d’Hitler et les fascistes de Mussolini continue sa progression sur tout le territoire jusqu’à la victoire des rebelles de Franco. Alejandro, recherché par les franquistes, doit quitter l’Espagne et traverse à pied les Pyrénées pour se réfugier en Andorre puis en France et en Italie. Il est dit que c’est au cours du parcours qu’il perd le brevet du FUTBOLÍN. Puis il retourne en Espagne pour accomplir son service militaire à Melilla dans le Rif espagnol. Après la « MILI », il reste quelques temps au Maroc, et revient en France. Alejandro est à Paris en 1948 et grâce au « PASAHOJAS », son autre invention, il réussit à récupérer de l’argent pour payer son voyage vers l’Amérique du sud puis l’Amérique centrale.

C’est, tout d’abord, à Quito en Ecuador (Équateur) qu’Alejandro s’arrête et fonde la revue « ECUADOR, O°, O’, O” » .

Puis en 1952, il  part au Guatemala  au Cabo de Santa  María où il perfectionne son « FUTBOLÍN »,  réussit à le faire fabriquer et à en tirer un bon profit. Il crée avec plusieurs de ses frères une entreprise de bois « Campos Ramírez Hermanos » et une fabrique de futbolines et autres jouets. C’est au Guatemala qu’il va faire la connaissance et se lier d’amitié avec Ernesto Guevara, « EL CHE ». Mais à ce moment-là, le Guatemala est une démocratie, mais pas pour longtemps car se produit le coup d’État du Général Carlos Castillo Armas en 1954Alejandro est repéré, ses idées républicaines irritent et dérangent. Il est arrêté et doit être extradé vers l’Espagne de Franco. Des agents franquistes l’embarquent dans un avion à destination de l’Espagne, mais il réussit à s’échapper, en menaçant l’équipage avec une bombe factice qu’il a fabriquée dans les toilettes de l’avion avec un morceau de savon emballé dans du papier aluminium. L’avion est détourné vers Panamá

Alejandro Finisterre Fotografía de Valerí de la Dehesa
Alejandro Finisterre, fotografía de Valerí de la Dehesa

En 1956, Alejandro s’installe dans la capitale du Mexique à México où il fonde et préside la « Editorial Finisterre Impresora – ¡ siempre Fisterra ! – », permettant la publication de nombreux livres de poètes et écrivains espagnols exilés comme León FELIPE, Juan LARREA, Luisa CARNÉS et des auteurs de l’Amérique latine comme Octavio PAZ ou Griselda ÁLVAREZ.

Mais, c’est surtout, León FELIPE qu’il a connu à Madrid qui l’inspire et va devenir son grand ami et même son « albacea testamentario » (exécuteur testamentaire littéraire). León FELIPE, le poète en 1884 à Tábara dans la province de Zamora, est  décédé en 1968 en exil dans la ville de México

León Felipe (Tábara España 1884 Ciudad de México 1968)
León Felipe (Tábara España 1884 Ciudad de México 1968)
Alejandro Finisterre
Alejandro Finisterre

Alejandro quitte le Mexique en 1976 et rejoint son pays natal après la mort en novembre 1975 du dictateur Franco. Il s’installe, tout d’abord, à Aranda de Duero dans la province de Burgos puis à Zamora (royaume de León et aujourd’hui  une des provinces de la  Comunidad Autónoma de Castilla y León). C’est à la ville de Zamora qu’Alejandro va vendre les œuvres du poète León FELIPE dont il a hérité. Actuellement tous ces documents se trouvent au « Archivo Histórico Provincial de Zamora ». 

Alejandro Finisterre Entrevista
Alejandro Finisterre, entrevista
Alejandro Finisterre, el poeta
Alejandro Finisterre, el poeta

Alejandro CAMPOS RAMÍREZ, membre de la REAL ACADEMIA GALLEGA, est décédé le 9 février 2007 à Zamora. Ses cendres ont été dispersées dans les eaux du fleuve Duero qui passe à Zamora et dans l’Atlantique près de la ville de Fisterra en Galice.

Alejandro Finisterre (Fisterra 1919 Zamora 2007)
Alejandro Finisterre (Fisterra 1919 Zamora 2007)
Alejandro Campos Ramírez
Alejandro Campos Ramírez

Alejandro, le poète, a écrit de nombreux textes et quand il vante « EL FUTBOLÍN » il dit : « El FUTBOLÍN es un juego  que fomenta la amistad, el compañerismo, la coordinación entre la mano derecha y la izquierda » (LE FUTBOLÍN est un jeu qui favorise l’amitié, la camaraderie et la coordination des mouvements entre la main droite et la gauche).

Alejandro posando en Fisterra
Alejandro posando en Fisterra

Son optimisme l’a amené à écrire cette autre phrase : « Yo creo en el progreso. Hay un impulso humano hacia la felicidad, la paz, la justicia y el amor, ¡ y ese mundo un día llegará ! » ( Je crois au progrès. Il y a un élan humain qui tend vers le bonheur, la paix, la justice et l’amour, et ce monde, un jour, arrivera !).

À Fisterra, une rue porte son nom : CALLE ALEJANDRO FINISTERRE

Voilà, l’histoire du FUTBOLÍN et le parcours de son créateur Alejandro Finisterre, républicain espagnol victime de la guerre d’Espagne 1936/1939, qui a été obligé de quitter sa terre natale et vivre de nombreuses années en exil. 

B.D. de Alessio Spataro FUTBOLÍN
B.D. de Alessio Spataro FUTBOLÍN

De toute évidence, Alejandro Finisterre, du fait de son invention et de son parcours atypique n’a pu qu’inspirer des auteurs de bandes dessinées, comme par exemple le dessinateur italien Alessio Spataro et l’auteur des textes Eduardo Bravo aux Éditions DE BOLSILLO.

 

 

Enormes agradecimientos a Claudio por haberme transmitido ese interesante asunto y también a María. 

Claudine Allende Santa Cruz
10 de julio 2020