Retour à Pont-l’Abbé après 84 ans
Antonio ESCALERA TORO « el Malagueño » est né le 17 février 1939 à Pont-l’Abbé (Finistère) à cause de la Guerre d’Espagne 1936-1939. Antonio et son petit-fils Raúl sont venus, pour la première fois en novembre 2023, sur la terre bretonne qui a vu naître Antonio.
Le Télégramme du Pays bigouden a publié le 2 janvier 2024 un article signé par Steve Lecornu sur la belle histoire de Antonio ESCALERA TORO né à Pont-l’Abbé le 17 février 1939 qui, à 84 ans, a voulu revoir la terre bretonne où il a vu le jour. Grâce à la gentillesse de Karen Le Dréau, la gérante de la crêperie Sea, Sun and… crêp de Pont-l’Abbé, qui les a reçus dans son établissement, ce fait divers est devenu une belle histoire d’amitié entre la Bretonne de Pont-l’Abbé et les deux andalous de Málaga.
Une question : Pourquoi Antonio est-il né à Pont-l’Abbé et pourquoi sa famille résidant à Málaga en Andalousie, à plus de 2 000 kilomètres de la ville bretonne, fait-elle partie de ces 53 réfugiés espagnols hébergés le 3 février 1939 dans cette cité bigoudène ?
Il faut remonter certainement au début de la Guerre d’Espagne 1936-1939 et au coup d’État perpétré par Franco et ses troupes rebelles les 17 et 18 juillet 1936 contre la République espagnole légalement installée. Ce terrible conflit fait rage sur tout le territoire et les provinces tombent, les unes après les autres, aux mains des insurgés grâce à l’aide apportée à Franco par les nazis de Hitler, les fascistes de Mussolini, les soldats du dictateur portugais Salazar et une grande partie de l’Église catholique espagnole.
Málaga la Roja, la ville où demeure la famille de Antonio ESCALERA TORO va tomber entre les griffes de Franco le 8 février 1937. De nombreux civils et militaires de cette cité andalouse vont tenter de s’enfuir par la route qui va de Málaga à Almería pour échapper à la répression franquiste. C’est à ce moment que va avoir lieu « la masacre de la carretera Málaga–Almería », plus connue dans l’Histoire sous le nom de DESBANDADA (en andalou : DESBANDÁ). Des bombes « nacionalistas » pleuvent et viennent de partout, des bateaux, des avions, des combats terrestres et vont engendrer la mort de 3 000 à 5 000 civils et combattants sur cette route dénommée « La Carretera de la Muerte ».
Il est souvent précisé dans les livres d’Histoire que cette « boucherie » a fait plus de victimes que le bombardement de Guernica le 26 avril 1937 par les avions de la légion Condor nazie. Peut-être que la famille ESCALERA TORO a connu cette terrible répression franquiste orchestrée par le tristement célèbre général Queipo de Llano (« Le boucher de l’Andalousie ») et a réussi à fuir et regagner Almería, Alicante, Valencia ou Barcelona, villes toujours sous contrôle de l’armée populaire républicaine ?
Mais ce coup d’État des factieux qui ne devait durer que quelques jours en juillet 1936 et anéantir rapidement la République espagnole continue son périple sanglant. Le rouleau compresseur de Franco arrive en Catalogne en janvier 1939 et le 26 de ce mois, c’est au tour de Barcelona de tomber et de voir défiler dans ses rues les soldats franquistes. À nouveau, les civils et les combattants républicains doivent, par tous les moyens, tenter de fuir et se rapprocher de la frontière franco-espagnole. Mais, la barrière pyrénéenne ne va être ouverte que dans la nuit du 27 au 28 janvier 1939 après de nombreuses tergiversations du gouvernement français. De 450 000 à 500 000 civils et militaires (dont 250 000 combattants républicains) réussissent à passer en France lors de la « RETIRADA » (La Retraite). Les civils (femmes, enfants, vieillards et « inútiles de guerra ») vont passer en premier et les soldats républicains uniquement à partir du 5 février 1939. La frontière va être à nouveau fermée le 13 février 1939.
Sitôt entrés en France, ces civils, comme la famille de Antonio, vont intégrer de nombreux trains et être dispersés dans de nombreux départements français. Pour la famille de notre protagoniste, le convoi prend la direction de la Bretagne et s’arrête à Quimper (Finistère). Ensuite 11 familles, soit 53 personnes vont être transférées, certainement en car, vers Pont-l’Abbé et y être hébergées le 3 février 1939, possiblement, au Château des Barons du Pont où se trouvent actuellement la Mairie et le Musée Bigouden ou peut-être à l’Hôtel des voyageurs de Madame ADAM.
Ces 11 familles de réfugiés espagnols demeurent dans diverses villes d’Espagne comme Baracaldo (Vizcaya), Alcañiz (Teruel), Madrid, Barcelona, Málaga, Tudela Veguín (Asturias), Lorca (Murcia) et Mieres (Asturias).
Tous ces réfugiés vont tout d’abord être vus par un médecin, puis vacciner et pour certains d’entre eux hospitalisés à l’hôpital de la ville. C’est le cas de Dolores TORO, épouse ESCALERA de 28 ans, enceinte de 8 mois qui va être hospitalisée du 03/02/1939 au 28/02/1939. Durant cette hospitalisation à l’hôpital de Pont-l’Abbé, Dolores va mettre au monde le petit Antonio le 17 février 1939.
La famille ESCALERA TORO se compose de : Dolores TORO 28 ans, épouse ESCALERA, la mère ; Dolores ESCALERA TORO, 9 ans, la fille de Dolores ; Juan ESCALERA TORO, 3 ans, le fils de Dolores ; Antonio ESCALERA TORO, né le 17/02/1939 à Pont-l’Abbé, fils de Dolores ; María TORO, sœur de Dolores ; Agustín ESCALERA, frère du mari de Dolores, qui réside à Barcelona.
Il n’y a aucune information concernant le mari de Dolores TORO et père de Dolores, Juan et Antonio ESCALERA TORO.
Ces 54 réfugiés espagnols hébergés à Pont-l’Abbé vont rester en ce lieu bigouden pendant quelques mois durant l’année 1939. Ils vont être rapatriés en Espagne en train en direction de Hendaye-Irún à diverses périodes de l’année 1939 entre le mois d’avril et le mois d’octobre. La famille ESCALERA TORO composée de Dolores la maman, Dolores la fille, Juan et Antonio les deux fils, est vraisemblablement partie en dernier.
Vifs remerciements à Yves Mazo pour l’article du Télégramme qu’il a transmis à MERE 29.
Claudine Allende Santa Cruz de MERE 29
Le 8 janvier 2024