Les 11 réfugiés espagnols de la Guerre d’Espagne 1936/1939 hébergés à SAINT-VOUGAY dans le Finistère du 8 février au 7 avril 1939
La Guerre d’Espagne 1936/1939 a débuté les 17 et 18 juillet 1936 par le putsch des militaires du général Franco et de ses acolytes afin de renverser la République légalement installée.
Avec l’aide de l’Allemagne nazie d’Hitler, de l’Italie fasciste de Mussolini, du Portugal du dictateur Salazar et l’appui d’une grande partie de l’Église espagnole, les différentes régions de l’Espagne vont tomber les unes après les autres dans l’escarcelle du futur Caudillo.
En janvier 1939, il ne reste plus que quelques provinces républicaines qui résistent à l’assaut des franquistes. Mais le 26 de ce mois, Barcelona, la capitale catalane tombe entre les griffes de Franco, ce qui provoque la fuite vers la frontière française de 450 000 à 500 000 civils et militaires dont près de 250 000 combattants républicains espagnols. Cet incommensurable exode est connu dans l’Histoire sous le nom de « LA RETIRADA » ou retraite des combattants. Mais l’État français, après de nombreuses tergiversations, ne va ouvrir la frontière franco-espagnole que le 28 janvier pour le passage des civils (femmes, enfants, vieillards, « inutiles de guerre » et les blessés de la Guerre d’Espagne). À partir du 5 février 1939, le reste des combattants de l’armée républicaine en déroute vont traverser la barrière montagneuse des Pyrénées, puis le 13 février la frontière est à nouveau fermée.
La famille ASO LARREY et CALDERÓ LARREY de huit membres, originaire ou domiciliée à Vicién (Huesca-Aragón) et la famille RUIZ MONTEJO de trois membres, originaire ou domiciliée à Madrid ou dans la province du même nom, vont faire partie de « LA RETIRADA » de janvier/février 1939. Elles vont être évacuées en train depuis les Pyrénées-Orientales vers un lieu inconnu. Ce convoi (4ème du Finistère) va les conduire en Bretagne et plus précisément dans le Finistère où elles arrivent le 8 février 1939 en gare de Quimper puis à celle de Morlaix. Des cars vont se charger de répartir ces 109 réfugiés espagnols dans 14 villes finistériennes de la sous-préfecture de Morlaix : Guimiliau (4), Plougourvest (6), Plounéventer (9), Saint-Servais (4), Guimaëc (4), Plouezoc’h (6), Morlaix (16), Saint-Vougay (11), Tréflaouénan (7), Trézilidé (7), Santec (6), Sibiril (9), Henvic (5) et Carantec (15).
Les membres de ces deux familles composées de 4 adultes et 7 jeunes enfants sont :
1) – Antonia SANAGUSTÍN, épouse de Pascual LARREY, 62 ans, née le 02/06/1877 à Vicién (Huesca), mère de Ascensión et Pilar.
– Ascensión LARREY SANAGUSTÍN, épouse ASO, 37 ans, née le 08/05/1902, fille de Antonia et Pascual.
– Gregorio ASO LARREY, 13 ans, né le 08/05/1926, fils de Ascensión.
– José ASO LARREY, 11 ans, né le 19/03/1928, fils de Ascensión, décédé le 06/02/2018 dans la ville de Huesca.
– Patrocinio ou Patro ASO LARREY, 8 ans, née le 09/11/1931, fille de Ascensión, décédée le 30/01/2021 dans la ville de Huesca.
– Domingo ASO LARREY, 5 ans, né le 21/12/1934, fils de Ascensión.
– Pilar LARREY SANAGUSTÍN, 25 ans, née le 25/08/1914 à Sieso (Huesca), épouse de Ramón CALDERÓ LABELLA, né à Fraga (Huesca), fille de Antonia et Pascual et sœur de Ascensión.
– Pilar CALDERÓ LARREY âgée de 6 mois, née le 10/08/1938 à La Garriga (Barcelona), fille de Pilar et Ramón, épouse de Domingo BRETONES LAO, décédée le 16/10/2022 à Terrassa (Barcelona).
2) – Herminia ou Erminia MONTEJO MONTEJO, 30 ans, née le 12/11/1909 à Sanchón de La Sagrada (Salamanca) et épouse de José ou Josep ORTIZ JIMÉNEZ, 30 ans, né le 25/01/1904 à Linares (Jaén).
– José ou Pepito ORTIZ MONTEJO, 7 ans, né le 03/07/1931, fils de Herminia ou Erminia et de José ou Josep .
– Francesca ou Paquita ORTIZ MONTEJO, 1 an, née le 07/01/1938 à Valls (Tarragona), épouse de Francisco COBO ROMERO, fille de Herminia ou Erminia et de José ou Josep.
José, le père, a certainement participé à la Guerre d’Espagne 1936/1939 mais quand Barcelona est tombée le 26 janvier 1939, il a dû passer la barrière pyrénéenne et se réfugier en France lors de la Retirada de février 1939, peut-être en compagnie de sa femme et de ses deux enfants. Mais la famille a sûrement été séparée, José a dû prendre la direction d’un camp de “concentration” du sud de la France, son épouse et ses deux enfants vont être hébergés en Bretagne à Saint-Vougay (29). N’ayant pas de nouvelles de Herminia, Pepito et Paquita, José décide de mettre un article dans La Dépêche de Toulouse du 23 avril 1939 pour tenter de les retrouver [S’adresser à la Croix-Rouge française de Gaillac (Tarn)].
Hélas José ne va pas revoir sa famille rentrée en Espagne le 8 avril 1939.
Il va être capturé le 4 juin 1940 à Dunkerque par les troupes allemandes et interné au Stalag VIII-C à Sagan et au Stalag XII-D de Trèves (Matricule 35982). Puis le 25 janvier 1941, il est transféré au tristement célèbre camp de concentration nazi de Mauthausen en Autriche où on lui attribue le matricule 4729 et où il va rencontrer un très grand nombre de compatriotes espagnols. José reste très peu de temps en ce terrible lieu concentrationnaire et va intégrer le 17 février 1941 le kommando annexe de Gusen, proche de Mauthausen, sous le numéro 10570. José ORTIZ JIMÉNEZ ne survivra pas dans cet enfer nazi et décède le 26 septembre 1941 au château de Hartheim en Autriche (centre d’euthanasie des camps de concentration nazis de Dachau et Mauthausen).
Peut-être, en 2024, un “Stolperstein” sera apposé à l’endroit où José ORTIZ JIMÉNEZ et sa famille ont résidé à Madrid.
Ces onze réfugiés espagnols ont été hébergés au bourg de Saint-Vougay chez Maryvonne Bastard, servante du curé et «dame au grand cœur» demeurant à Pen Ar Pors, près de l’église de Saint-Vougay.
Lors de leur séjour en terre bretonne Pilar María Juana CALDERÓ LARREY et Francesca ou Paquita Anna Alberta ORTIZ MONTEJO ont été baptisées le 21 février 1939 dans la très jolie église de Saint-Vougay. Des habitants de la commune ont accepté d’être les parrains et marraines de ces deux petites espagnoles : pour Pilar, Jean-Louis Gogé, cultivateur et Marie Abgrall, commerçante et pour Paquita, Albert Dantec et Anne Charles, fille de commerçante.
Après quelques semaines sur le sol finistérien de Saint-Vougay, ces deux familles ont regagné par le train leur terre natale espagnole devenue franquiste. Le convoi est parti de Quimper le 7 avril 1939 à destination de HENDAYE où il est arrivé le 8 avril 1939 à 12 heures avec 300 réfugiés espagnols à bord, tous venant du Finistère.
Par la suite, la commune de Saint-Vougay a reçu des nouvelles de ces deux familles au cours des années 1959 ou 1960 afin de leur transmettre les actes de baptême de Pilar et Paquita, documents nécessaires pour se marier à l’Église en Espagne ; le mariage religieux étant le seul reconnu sous le franquisme, le mariage civil étant banni.
Francesca ORTIZ MONTEJO s’est mariée le 13 août 1960 dans la paroisse du Santísimo Cristo de la Victoria à Madrid avec Francisco COBO ROMERO.
Pilar CALDERÓ LARREY a épousé le 26 novembre 1961 Domingo BRETONES LAO à Santa Cruz de Terrassa (Barcelona).
Je remercie sincèrement Jean-Claude ABGRALL de m’avoir invitée à Saint-Vougay pour parler de ces réfugiés espagnols obligés d’abandonner leur pays en guerre et donc de ne pas subir la répression franquiste. Nous les avons ainsi sortis de l’oubli, tout comme les habitants de la commune bretonne qui les ont hébergés ou aidés.
(Voir l’article du Télégramme du 12/04/2023).
Notre souhait est maintenant de retrouver des descendants ou d’autres renseignements sur ces deux familles en Espagne ?
Grâce à David Ferrer de Sabadell, à qui j’adresse mes plus sincères remerciements, il a été possible de retrouver une fille de Pilar Calderó Larrey qui demeure à Terrassa et d’obtenir des photos de cette famille Aso Larrey et Calderó Larrey.
Concernant la famille Ortiz Montejo, c’est également David qui m’a fait connaître le triste destin de José Ortiz Giménez, déporté à Mauthausen, Gusen et gazé au château de Hartheim le 26/09/1941.
David est professeur et historien. Il a écrit en 2010 le livre “Recuerda”: Españoles en la masacre de Oradour-sur-Glane ou l’histoire des 19 réfugiés républicains espagnols assassinés dans ce village martyr le 10 juin 1944 par la division SS Das Reich. Il a fait corriger les erreurs incluses dans les noms des victimes espagnoles. En 2020, David a retrouvé la 643e victime de ce massacre qui se nomme Ramona Domínguez Gil originaire de la province de Zaragoza.
Premier message de remerciements du 26/04/2023 de Pilar Bretones, la fille de Pilar Calderó Larrey : ” Sra Claudine, Muchas gracias por todo, la verdad que ha sido muy emotivo tener información de estas vivencias de mi madre y mi abuela, me ha hecho muy feliz. Como le hice saber al Sr David (Ferrer Revull) estoy muy agradecida ya que con personas como ustedes implicadas con la historia nos acercan más a nuestras raices y mantienen la historia viva sin que caiga en el olvido. Reciba un cordial saludo”.
Traduction proposée : Claudine, Merci beaucoup pour tout, la vérité est que cela a été très émouvant d’avoir des informations sur les expériences vécues par ma mère et ma grand-mère, cela m’a fait très plaisir. Comme je l’ai fait savoir à M. David (Ferrer Revull) je vous suis très reconnaissante car avec des personnes comme vous impliquées dans l’histoire, vous nous rapprochez de nos racines et faites vivre l’histoire sans qu’elle ne tombe dans l’oubli. Cordiales salutations.
Deuxième message de remerciements du 27/04/2023 de Pilar Bretones, la fille de Pilar Calderó Larrey : ” Muchas gracias. La verdad que ni en sueños se podrían haber imaginado que su nieta y bisnieta la podrían ver en una página por internet leyendo parte de su historia tan sumamente interesante. Me reitero en darle las gracias por su labor.”
Traduction proposée : Merci beaucoup. La vérité est que même en rêve, l’on n’aurait pas pu imaginer que leurs petite-fille et arrière-petite-fille puissent la voir sur une page Internet et lire une partie de son histoire extrêmement intéressante. Je réitère mes remerciements pour votre travail.
Claudine Allende Santa Cruz
Le 16 avril 2023